Le Modèle Berthelon : vers une clinique intégrée de la musicothérapie en gériatrie
Vieillissement, institutions et enjeux de soin
Au 1er janvier 2025, la France compte 14,6 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, soit plus d’un cinquième de la population (INED, 2025).
Le vieillissement démographique, associé à la progression des maladies neurodégénératives, interroge la capacité du système de santé à préserver le lien, le sens et la dignité dans l’accompagnement de la dépendance.
Selon la Fondation Recherche Alzheimer (2024), 1,3 million de personnes sont aujourd’hui atteintes en France.
Dans ce contexte, la musicothérapie occupe une place centrale : non plus considérée comme un simple soin de confort, mais comme une approche clinique soutenant le lien, l’identité et la relation des personnes fragilisées.
Le modèle Berthelon : d’une expérimentation à une référence clinique
Conçu par Patrick Berthelon et la Société Française de Musicothérapie (SFM), le modèle de musicothérapie en institution gériatrique a été expérimenté entre 2017 et 2018 dans cinq établissements de Bourgogne Franche-Comté, en partenariat avec l’ARS, le Pôle de Gérontologie et d’Innovation et l’Université de Bourgogne.
Cinq musicothérapeutes ont conduit 640 séances auprès de cent résidents âgés de 54 à 92 ans, atteints de la maladie d’Alzheimer ou de syndromes apparentés. Les évaluations cliniques et institutionnelles ont mis en évidence notamment :
- une réduction de l’anxiété ;
- une amélioration des interactions verbales et non verbales ;
- un maintien des repères sociaux et identitaires
- une meilleure cohésion des équipes de soin.
Ces résultats ont conduit à la structuration d’un cadre méthodologique reproductible : le modèle Berthelon, aujourd’hui reconnu au niveau national et nominé aux Trophées SilverEco 2020.
Une conception intégrée de la pratique
Le modèle Berthelon dépasse le cadre des simples séances de musicothérapie pour proposer une organisation clinique du sonore au sein de l’institution.
Centré sur l’amélioration de la qualité de vie et le respect de la dignité du résident jusqu’à son dernier souffle, il se distingue par la mobilisation collective des intervenants autour de la personne. Cette approche encourage la mutualisation des compétences et des savoirs afin d’atteindre les objectifs fixés.
Dans ce dispositif, le musicothérapeute assume un rôle de coordinateur du processus relationnel, au service de la communication et de la qualité de vie du résident.
Ainsi, le modèle Berthelon ne se limite pas à une méthode thérapeutique : il engage une transformation du cadre institutionnel, en replaçant le lien sonore au cœur du soin et de la relation humaine.
Ce modèle a permis de dégager plusieurs constats récurrents :
- Pour le résident : amélioration du mieux-être global, diminution de l’agitation, maintien de la communication et du sentiment de continuité de soi.
- Pour le personnel : apaisement des tensions, redynamisation des pratiques, diminution des risques psychosociaux.
- Pour la famille : déculpabilisation, meilleure compréhension du vécu de leur proche, restauration du dialogue autour du projet de soin.
- Pour l’institution : valorisation de la dimension humaine du travail en EHPAD, enrichissement du projet d’établissement.
Enjeux professionnels et perspectives
Le modèle Berthelon s’inscrit aujourd’hui dans le mouvement national de reconnaissance des interventions non médicamenteuses (INM).
Au-delà de la recherche clinique, la diffusion du modèle soulève une question essentielle : comment faire reconnaître le rôle du musicothérapeute comme acteur du soin ?
Le modèle Berthelon propose une voie concrète pour ancrer la musicothérapie dans la clinique institutionnelle gériatrique. Il conjugue rigueur méthodologique, posture éthique et reconnaissance du sujet âgé comme être sonore et relationnel.
